DAZET GEORGES
(1852-1920)
La vie politique de Georges Dazet, a écrit
le docteur Jacques Lefrère, n'est pas de celles qui se résument
en quelques mots ". Et le biographe de Lautréamont cité Aymé
Dargein : " Georges Dazet, toute sa vie, fut fait de contrastes
". Georges Dazet fait en effet partie de ces personnages dont
la personnalité et l'existence justifient qu'on leur réserve
une place sans rapport avec la durée de leur mandat cantonal.
Son père, Jean Dazet (1797-1864), d'abord protégé du baron
Clarac, fut employé à l'intendance militaire de la maison
du roi, avant d'occuper une charge d'avoué à Tarbes. Conseiller
municipal de Tarbes pendant près de 30 ans, il était républicain
modéré, appartint à la Loge La Paix, participa à la fondation
de la Société académique qu'il présida de 1858 à sa mort.
Il avait épousé en 1844 Magdeleine Joséphine Alexine Beauxis-Sempé,
d'une ancienne famille bourgeoise tarbaise. Le ménage eut
trois fils : l'aîné, Jean-Paul (1844-1899), polytechnicien,
sera officier d'artillerie, le dernier, Louis, né en 1853,
avoué puis assureur. Georges Edouard Alexis naît le 2 avril
1852.
Elève de 8è au Lycée de Tarbes tandis qu'Isidore Ducasse était
en 4è, pendant l'année scolaire 1860-1861, il paraît avoir
occupé dans la vie du futur comte de Lautréamont " une place
singulière, quoique mal élucidée " (J.-J. Lefrère). Entre
autres métaphores, les Chants de Maldoror l'ont immortalisé
sous le nom de " poulpe au regard de soie ". Beau, intelligent,
énergique, orateur brillant, exerçant partout une irrésistible
séduction, doué de tous les talents mais sans guère de scrupules,
après des études poursuivies au Lycée Charlemagne à Paris,
il passe sa licence en droit à Toulouse (1873). Avocat stagiaire
à Tarbes (1874-1877), puis inscrit au barreau de Tarbes de
1878 à 1886, il est rapidement considéré comme le meilleur
avocat de la ville.
D'abord républicain convaincu, il est initié à Toulouse en
1886 et affilié en 1887 à la Loge tarbaise. La Propagation
de la vraie lumière. Donateur du terrain sur lequel sera construit
le temple maçonnique de Tarbes (1888), il est l'agent de l'implantation
d'une loge à Lourdes, et parvenu à de hauts grades au sein
du Grand Orient, il prononcera en particulier le discours
de clôture à l'assemblée générale du 23 septembre 1899, à
Paris. Après son père, il fait partie du conseil municipal
de Tarbes (1883-1888) qui le délègue à Paris, en 1885, pour
assister aux funérailles de Victor Hugo.
Il est candidat aux cantonales de Saint-Laurent-de-Neste à
la suite de la démission de Delphin Duffo, mais se voit préférer
par les électeurs le Docteur Cazaubon, élu le 15 mars 1885.
Cette même année, lors des élections législatives, il souhaite
figurer sur la liste républicaine de Michel Alicot, mais celui-ci
le repousse sans ménagement, et il se présente seul, en vain,
contribuant ainsi à la défaite de son clan. C'est que la réputation
du personnage est déjà sulfureuse. Homme à bonnes fortunes,
Dazet a provoqué dans Tarbes des scandales retentissants,
et on lui reproche par ailleurs des faits qui touchent " à
l'honneur et à la probité ". Il en jalonnera sa carrière,
sera un des acteurs de l'escroquerie Lemoine - le " fabricant
" de diamants - et sera accusé d'avoir été l'un des pourvoyeurs
de fiches du général André.
Georges Dazet se présente à nouveau aux élections cantonales
à Lannemezan aprèis la démission d'Edouard Despaux. Il est
élu aisément le 27 février 1887 avec 1728 voix contre 613
à Porterie, avantage qu'il ne conserve pas lors du renouvellement
de 1889 où il est battu le 4 août, obtenant 1 174 contre 1
393 à Dominique Semmartin, candidat défendant des valeurs
qui ne sont pas précisément -c'est le moins qu'on puisse dire-
celles de Georges Dazet.
Au Conseil général, la qualité de ses interventions en séances
et de ses rapports témoigne pourtant à la fois de ses talents
d'orateur, de la conscience qu'il apportait à l'étude de ses
dossiers, de son souci de rigueur et d'efficacité dans la
défense des intérêts des populations de son canton et du département
: membre de la commission des travaux publics, il s'est en
particulier intéressé aux questions ferroviaires (comme l'avait
fait son père à propos du transpyrénéen par Gavarnie, en 1853-1854,
à la liaison Auch-Lannemezan, et aux aspects les plus pratiques
du service public rendu par la Compagnie du Midi.
Ayant dû quitter le barreau de Tarbes en 1886, il est un temps
inscrit à ceux de Paris et de Tunis (il sera radié disciplinairement
de ce dernier en 1896), avant de revenir plaider et prendre
une part active au combat politique dans sa ville natale entre
1901 et 1912. La lecture du Capital l'avait converti au socialisme.
Directeur politique de la République des Hautes-Pyrénées qu'il
a rachetée de 1887 à 1891, il crée à Tarbes en 1890 une section
du Parti ouvrier français dirigé par Jules Guesde, député
de Roubaix avec qui il collabore activement au cours de cette
décennie 1890. Il vit alors à Paris et se présentera en vain
aux législatives de 1898 à Valenciennes. Pendant cette période,
il publie plusieurs ouvrages et travaux, juridiques et surtout
politiques, en particulier la République et les Eglises. Etude
sur la séparation des Eglises et de l'Etat, imprimé à Tarbes
en 1905, et Lois collectivistes pour l'an…, d'inspiration
marxiste, paru à Paris en 1907. Il rejoint la SFIO et organise
en 1909 la fédération départementale de ce parti.
A nouveau menacé d'une radiation du barreau, il quitte Tarbes,
après s'être fait nommer grâce à une intervention d'Aristide
Briand à une petite justice de paix dans le Rhône, à Monsols,
localité d'un millier d'habitants située près de Mâcon, où
il exercera son office avec conscience et compétence de 1912
à 1920. Souffrant de diabète, il rentre à Tarbes pour mourir
à l'hôpital de l'Ayguerote, le 8 novembre 1920. Il est inhumé
civilement au cimetière Saint-Jean.
La vie familiale de Dazet avait été aussi tourmentée que sa
vie politique et professionnelle. Il avait épousé en 1882
Angèle Abadie, fille du grand papetier Joseph-Bertrand Abadie
(connu sous le nom d'Abadie de Sarrancolin), dont il avait
rapidement dévoré la dot considérable avant de voir un divorce
prononcé à ses torts en 1893. De sa liaison à Paris avec l'actrice
Berthe Pinaud dite Préville, il avait eu deux enfants qu'éleva
à Tarbes son frère Louis : un fils, Jean, né en 1893, sergent
aviateur tué en combat aérien en 1917, et une fille, Louise,
née en 1899. Celle-ci, à qui l'on doit beaucoup de ce qu'a
découvert et reconstitué le docteur Lefrère sur Lautréamont,
fut longtemps secrétaire d'Armand Achille Fould. En 1911,
Georges Dazet s'était remarié avec Eugénie Monard d'Aureilhan
et née à Buenos Aires, qui avait été au service de Berthe
Préville, et qui l'accompagna dans ses derniers moments.
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